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Le blogue de Bourjoi (www.bourjoi.com) sur l’Art et autres sujets

16 août 2009

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15 juillet 2009

142 ans de tintamarre

Le 14 juillet (des français ?) en page A16 (forum) un éditorialiste de La Presse écrivait en avoir marre des minorités électorales au Canada.

Nous comprenons aisément son désarroi. Il doit être à la longue assez désarmant de défendre une cause contre nature lorsque l’évolution des sociétés contrarie les projets égarés dans le temps. C’est bien d’en avoir marre, mais il faut aussi comprendre pourquoi.

Il est également symptomatique que le Canada bien-aimé de La Presse ait été fondé la même année que le premier tome du « Capital » de Karl Marx a été publié par nécessité en Angleterre. Il ne faut pas oublier ce que l’Empire britannique d’alors concoctait dans ses fabriques et le sort qu'elle imposait à ses ouvriers et aux autres nations ayant le malheur d’être plus faibles qu'elle.

Il y a cent-quarante-deux ans, les Britanniques n’ont que concrétisé les ambitions « ad mare usque ad mare » qu’ils nourrissaient depuis la Conquête militaire de la moitié de l’amérique du nord.

C’est la génétique politique qu’ils ont laissée de ce côté-ci de l’Atlantique, le modèle d’affaire sur lequel Ottawa, La Presse et quelques autres s’acharnent qui se désorganise un peu plus chaque jour.

Cent quarante-deux ans plus tard, il serait plus que temps que les Canadiens cessent d’être les dindons de la farce et aspirent comme le Québec de repartir sur de nouvelles bases et peut-être mettre sur pied une confédération moderne.

Ce fut un temps un bon projet, moins détestable que d’autres auxquels nous pourrions penser, duquel nous pourrions expurger l’idée de raison d’État qui a conduit aux mesures de guerre en 1970 en trahissant toute idée d’égalité entre l'état et les citoyens québécois.

De cette manière, nous pourrions ouvrir la porte à la gestion d’états matures lucidement associés. Les corps et les coeurs ne seraient plus séparés de leur raison et de leur intelligence captivés au centre de nulle part.


britons140709

2 juillet 2009

La Raison

La raison

Dans son éditorial du mardi 30 juin dernier, en page A16, intitulé Fêter le Canada, l’éditorialiste croit s’approprier la raison des Québécois au profit d’un pays imaginaire du nom de Canada .

    Lorsque je lis le mot raison, je pense aussitôt à Aristote, à Thomas d’Aquin, à la Renaissance, à Descartes.
Jamais au grand jamais je ne pense à la raison déraisonnable d’un éditorialiste de La Presse. Le type de raison que défend La Presse ressemble plutôt à la raison des mariages de convenance d’antan, des mariages forcés de certaines sociétés archaïques qu’un psychisme moderne ne peut souffrir.

Je pense plutôt à un moi fort siégeant au sommet d’un cortex actif. Surtout pas à cette espèce de cerveau reptilien angoissé tel un enfant pusillanime toujours prêt à prendre n’importe quelle main en échange d’une poignée de bonbons.

La Presse cesse de publier le dimanche. Tant mieux. Il n’y a pas que le dimanche qu’elle devrait être fermée. Est-il toujours écrit qu’elle est le plus grand quotidien de langue française en Amérique? Ne sait-elle pas qu’elle est illisible à Toronto, à Ottawa et à Victoria? D’où lui vient son innocence génétique? N’a-t-elle pas lu le gène égoïste de Richard Dawkins? Le Darwinisme lui passe par dessus la tête ? Ne sait-elle pas que la vie est compétition inévitable et que ce ne sont que ceux qui ont foi en leur existence qui survivent?

Si raison il y avait au Québec les fédéralistes n’existeraient pas, tout simplement parce que ce n’est pas le fédéralisme de nations égales qui nous est proposé.

Le jour de la fête dite du Canada, j’en ai profité plutôt pour décrocher le drapeau du Québec élimé qui trônait au sommet de mon atelier et le remplacer par un drapeau au beau bleu luisant tout neuf.

Si cet ersatz de pays était réellement une confédération, il flotterait dix drapeaux différents plutôt qu’un seul dans le ciel de la cent-quarante-deuxième année.

Drapeau_010709

15 mars 2009

Barack Obama – beaucoup plus qu’un président.

Barack Obama – beaucoup plus qu’un président.

Aucun de nous ne doute que nous soyons nés pour vivre une vie. Il s’ensuit que nous nous plaignons tous de manquer de temps pour en profiter. Cela nous porte également à supposer parfois que les artistes seraient doués de talents exceptionnels pour vivre doublement et conjuguer deux rôles dissemblables à nos côtés.

Comment font-ils? Quelle aptitude extraordinaire permet à un poète réputé rêveur d’endosser également le costume de plombier, d’électricien ou de menuisier? Comment un sculpteur peut-il occuper un emploi de soudeur, un graveur celui de mécanicien, ou un artiste peintre celui de facteur? Comment font également ces autres Janus que sont les hommes politiques pour endosser deux identités?

Par quelles aptitudes Barack Obama s’est-il dévoilé? Où a-t-il trouvé le temps de devenir l’homme qu’il est? Ces hommes et ces femmes qu’on remarque plus que les autres, ont-ils deux têtes en une seule? S’abreuvent-ils à des sources que notre société, sans cesse distraite par ses urgences, n’arrive pas à trouver? Chacun de nous a-t-il en lui ces capacités plus qu’ordinaires dont nous avons tous plus que jamais besoin?

La conscience de soi d’un seul permet-elle de les voir tous? J’ai osé ma première toile à l’âge de quatorze ans et taillé ma première sculpture en bois à seize ans. Mon caractère me semblait alors déjà entier. J’ai pratiqué de nombreux métiers en usine ou en chantier à Montréal, au Québec, en Ontario et ailleurs. J’ai fait office d’apprenti plombier, de magasinier, d’artisan, de machiniste, de soudeur et j’enseigne maintenant les arts plastiques au secondaire. Comment est-ce possible?

Être artiste est une recherche constante d’identité. Notre identité et celle de l’univers humain qui contribue à faire de nous ce que nous sommes. En usine, même si j’étais fier de l’ouvrage bien fait, je n’ai jamais été tenté de m’identifier au travail routinier, pas plus que je ne m’étais identifié à la misère familiale qui n’avait été qu’une suite de sévices physiques et moraux quotidiens, ni même à l’hôpital où enfant je me réfugiais. Je ne m’étais pas plus identifié à mon milieu social qui ne voyait en moi qu’un infirme et prédisait que je ne pourrais rien faire de productif dans la vie. Je n’avais pas plus été séduit par les valeurs des fonctionnaires au service de la ville qui s’étaient imposés à ma famille. Confrontés à mon père malade et chômeur, ils n’ont pas su quoi faire à part l’interner et ensuite saisir pour taxes impayées la maison qu’il avait entièrement construite de ses mains. Ils nous ont même jetés à la rue, ma sœur, mon frère, ma mère et moi, avant qu’il ne sorte de cellule. Six mille ans d’évolution urbaine, de cumul de ressources et d’expérience n’ont pas suffit pour que la ville cesse d’opposer sa petite survie à celle du citoyen.

Je n’acceptais pas non plus le désarroi de papa. Affligé par mon infirmité, il me battait comme plâtre pour me mettre, comme il disait, du plomb dans la tête. Sous les coups, je ne m’abandonnais pas au désespoir. J’ai appris à les ignorer. Je me voyais plus résistant qu’il ne le croyait. Le matin, j’enjambais son corps endormi et fuyait par la fenêtre pour partir à l’exploration de l’est de Montréal et de ses rives. J’aurais voulu trouver en lui ce qui m’avait manqué à l’hôpital, durant les longues périodes que j’ai passées à surmonter neuf pneumonies étalées sur mes six premières années de vie. J’avais plus de vies qu’un chat.

Maman s’était mariée, avait pour ainsi dire été possédée à quinze ans. Papa, son aîné de dix ans, un homme solitaire et ergomane, l’avait mariée pour en prendre possession. Pour la mettre à sa main. À dix-neuf ans, lorsqu’elle a créé l’univers pour moi, elle avait déjà enterré deux enfants. Le premier était mort des suites d’une méningite et la deuxième d’un empoisonnement au monoxyde de carbone auquel elle avait elle-même survécu de justesse. L’univers extérieur à l’être apparaît au nouveau-né comme il est apparut à la conscience humaine autour des premières villes construites il y a environ six mille ans.

Ma mère créatrice du réel ne pouvait être seulement cette femme qui, avant de m’y accompagner, n’avait jamais vu l’intérieur d’une école. Pour survivre, je ne pouvais accepter qu’elle ne soit qu’une victime. Cela m’aurait réduit à n’être qu’une victime moi aussi. J’avais survécu à la maladie. J’étais un résistant de la mort. J’étais un survivant. Survivant je ne pouvais être qu’humain. Pour accéder à mon humanité il fallait aussi que maman soit humaine. Mes manques physiques ne devaient faire aucune différence. Pour m’accepter malgré les coups et l’effroi quotidien, pour ne pas transmettre tout ce mal, je devais aussi comprendre tous ceux qui m’avaient donné la vie, une âme et une conscience. Durant de longues semaines de solitude à l’hôpital j’avais découvert l’intériorité. Immobile dans mon lit durant de longues heures, j’avais pu voir qu’il y avait un monde différent de l’univers familial. Une autre langue, d’autres manières d’aborder ou d’affronter la réalité.

À l’âge de dix ans, à travers les coups et les humiliations venant des enfants du voisinage, l’ombre de la mort et le sentiment de solitude extrême qui l’accompagne revenaient en moi. Pour vivre pleinement, j’avais pensé devenir scientifique ou musicien. Étant fils d’ouvrier je ne pouvais devenir qu’artiste plasticien.

Quelques vingt-cinq ans plus tard, je sculptais des blocs de cire dont je faisais de superbes sculptures de bronze. Mes sculptures étaient présentées à l’occasion d’une ou deux expositions de groupe ou solo par année. Les collègues de travail qui venaient à ces expositions ne comprenaient pas comment je trouvais le temps de faire tout cela. Dans la même usine, avant de devenir technicien en inspection comme eux, j’avais déjà fait le travail éreintant et très agressif de meuleur d’assemblages soudés, parfois à plus de deux cents degrés Celsius. Devenu leur collègue de travail dans le même corps d’emploi, j’inspectais ces mêmes soudures et assemblages soudés.

Gagner ma vie, comme on dit, ne me satisfaisait pas. La nécessité intérieure acquise au creux d’un lit d’hôpital restait très présente. Je compensais un manque, une absence, et j’avais besoin de me savoir concret. Nous ne sommes pas, loin de là, constitués que de chair et de sang. Être concret, pour nous est intérieur.

Lecteur avide, j’avais toujours un livre sur moi. De l’état d’ouvrier j’appréciais l’aspect exclusivement manuel. Ma tête était peu mobilisée par le travail en usine. Cette liberté intellectuelle me permettait de réfléchir longuement aux sujets de mes lectures diverses. C’est là que j’ai trouvé l’inspiration, les idées et les manières par lesquelles je suis devenu un homme très différent de l’enfant que mes parents croyaient avoir mis au monde.

Certaines personnes croient que nous n’utilisons que dix pour cent de notre cerveau. Il faut dire que rien n’est plus faux. L’organe cérébral emprisonné sous notre crâne n’a pas pour fonction première de faire de nous des êtres sagaces. L’ensemble des fonctions neurologiques n’est destiné qu’à nous garder en vie et nous permettre de nous reproduire avec le plus de succès possible. Il nous reste peu de ressources disponibles pour en faire de la culture, de l’intelligence, et peut-être même un peu de conscience.

Dès l’âge de douze ans, je ne croyais pas comme mes amis du quartier Hochelaga être né pour un petit pain. Je savais être né pour vivre et grandir. Ce qui ne pouvait qu’être prodigieux. Je ne pouvais accepter que la vie soit une préparation à la mort promise par le curé de notre paroisse. J’ai refusé de participer à la cérémonie de la communion solennelle. Je n’y ai même pas assisté. Je ne croyais pas non plus que le meilleur de ma nature vienne d’un autre univers mystérieusement inconnaissable. Mon corps était celui d’un infirme, mais mon esprit ne l’était pas. Je ne pouvais pas accepter l’idée qu’il me faille une greffe d’âme pour être humain. J’étais convaincu que nous représentions le seul espoir d’humanité de ce côté-ci de l’univers connu. Je pariais sur notre nature.

Je savais, puisque cela est d’une indéniable évidence, que chacun de nous est issu du vivant. J’étais et reste scandalisé que nous ayons évolué durant des centaines de milliers d’années pour nous retrouver dans une société qui n’arrive toujours pas à protéger ses enfants, petits et grands, jeunes et vieux, et qui persiste par son étourderie à perpétuer la fatalité inconsciente. N’ayant ni père digne de ce nom, ni mentor, je me sentais livré à moi-même. Je cherchais un père spirituel dans notre culture en explorant les œuvres et la mémoire des hommes et des femmes qui ont laissé derrière eux des témoignages de vie transcendants.

J’admirais Thomas More qui, au prix de sa vie, avait choisi d’être fidèle à son humanité plutôt qu’aux caprices mesquins de son roi qu’il aimait pourtant profondément. Je n’y voyais pas autant la profondeur de sa foi que la solidité de son caractère d’humain. À travers les idées de ces esprits plus éveillés que les autres je cherchais le projet d’un monde humain fait pour les humains dans lequel j’aurais pu me sentir en sécurité. Un monde de notre conception répondant à nos rêves dans lequel il serait possible et naturel de devenir adulte.

C’est à l’atelier numéro 2 de la Vickers, un immense bâtiment d’acier, de tôle et de verre, à l’intérieur noirci d’huile et empli de nuages de particules de toutes sortes que j’ai lu « Le grand Code » de Northrop Frye. Dans cet ouvrage, l’auteur analyse les évangiles, la bible des chrétiens. Un livre qui ne devient profondément compréhensible que lorsqu’on en extrait la dimension divine. Une allégorie à l’origine des mythes fondamentaux imprégnant notre culture de toutes parts.

Ce livre m’a ouvert de nombreuses portes. Derrière l’une d’elles, j’ai vu Paul de Tarse et à travers ses yeux un homme si profondément humain que Paul l’a supposé surnaturel. Même si d’une certaine manière il l’était, le croire surnaturel le mettait presque hors de notre portée. C’était comme si, pour vivre pleinement notre humanité, nous devions arracher hors de notre poitrine notre coeur brasillant de sacré pour l’enfouir dans le corps d’un être divin. Nous n’osons pas nous croire de cette trempe.

Ce cœur que nous savons reconnaître comme nôtre doit également battre dans d’autres poitrines. Lesquelles? Celles des artistes, des politiciens, des hommes de foi, des médecins et des infirmières ou tout bonnement dans celles de tous les pères et mères de ce monde?
Transformer la matière durant des milliers d’heures d’activité intense permet d’en expérimenter l’invariabilité, ce qui la rend finalement complètement malléable. Confronté à l’acier et au gigantisme de certains appareillages, l’humain paraît fait d’une matière plutôt molle et instable. Je trouvais la matière docile et me réfugiais aisément dans sa transformation. Comme le reste de notre civilisation j’en retirais une sensation rassurante de contrôle et de pouvoir sur le réel. Fasciné par le contact presque charnel avec la matière, comme l’ensemble de notre société, j’évitais l’échec du vivre ensemble.

Que ce soit modeler, sculpter, usiner, marteler, souder, visser, clouer ou coller le bois, les plastiques, le béton, les aciers ferreux ou non ferreux; je faisais ce que je voulais de la matière. Je ne souhaitais pourtant pas devenir fer ou bois moi-même. Modeler la matière n’est pas la même chose que prendre la matière pour modèle. Je n’ai jamais pu me valoriser à travers les bidules que nous offre la vie moderne, comme l’automobile. Même les ordinateurs, ces appareils séduisants dont l’imagerie virtuelle se confond à tort avec notre imaginaire psychique, mais qui ne contiennent aucun coeur qui bat. J’étais né infirme, c’est-à-dire un peu moins qu’humain. J’aspirais surtout à devenir totalement humain.

J’ai aussi parfois rêvé de manipulations génétiques pour accélérer notre évolution ou d’implants cybernétiques qui nous auraient transformés en cyborgs à l’épreuve de tout. Mais, lorsqu’il s’agit de progrès humain, il n’est pas nécessaire de chercher au loin ce qui se trouve tout près. Contrairement à la matière, nous ne sommes pas à fabriquer. Sans cesse émergents, nous sommes à éduquer. Marcher ne peut se faire qu’en levant un pied à la fois du sol.

Il y a quelques années, afin de réaliser une œuvre pour une exposition à Washington, ma compagne Gaétane et moi sommes allés visiter le domaine de Georges Washington à Mount Vernon. Que Washington ait été le premier président des États-Unis d’Amérique ne m’a pas semblé très important. Il y a toujours un premier en tout. Qu’il ait été un général glorieux ne m’a pas semblé important non plus, puisqu’il y aura toujours des généraux héroïques et glorieux. Par contre, le fait qu’il ait été prompt et sanguin de caractère jusqu’à ce qu’il consulte à dix-sept ans un manuel sur la manière dont devrait se comporter un jeune homme, et qu’il se soit par la suite transformé lui-même, me semblait beaucoup plus remarquable.

Si Washington y est arrivé, même s’il nous faut imaginer une glaise se modelant elle-même, nous le pouvons aussi. Pour mieux vivre avec nos frères et sœurs humains (cela ne saurait être hypocrisie ou mensonge), nous devons volontairement modeler et façonner ce que nous sommes, encore plus que notre apparence. C’est là que la société, les parents et les amis doivent se tenir à nos côtés et nous encourager.
Nous n’avons de cesse d’être surpris, curieux et émerveillés que la société américaine (nous souhaiterions parfois que ce soit tout l’Occident) ait élu un homme noir à la présidence des États-Unis.

Que les Américains aient élu un homme noir pour occuper la maison blanche ne m’impressionne pas outre mesure. Ayant presque tout désappris de leur société, les républicains ne pouvaient y retourner. Une femme? Aucune culture au monde ne peut éplucher l’encre des évangiles à la loupe et voter pour une femme. Sarah, Marie, Marie-Madeleine à la maison blanche, c’est inconcevable. Il faudrait d’abord qu’ils apprennent à lire les évangiles autrement.

Il y a une quinzaine d’années, ma compagne et moi avons passé plusieurs jours dans une auberge à Wells dans le Maine. Nous en avons profité pour assister à la messe du dimanche dans une modeste église située tout près. Ce fut une expérience sidérante. La petite église était pleine jusqu’aux portes de fidèles enthousiastes émus aux larmes comme s’ils ne formaient qu’un et voyaient réellement ce Christ radieux dont on leur parlait tant dans la Bible.

J’imagine aisément le petit Barack s’imprégnant de centaines de séances semblables. Une école inimitable pour un orateur.
La parole et le langage représentent ce que nous avons de plus près de la communion des esprits. La parole nous a permis d’accéder à la conscience d’être nécessaire à la vie collective. La parole donne vie aux artistes et à tous ceux qui réussissent à devenir humains et à rester fidèles à leur humanité.

Il y a quarante ans, Martin Luther King clamait son très célèbre « I have a dream ». Il n’a pas dit « I had a dream ». Son rêve n’a jamais cessé d’exister. Il nous présentait ainsi avec conviction et passion l’articulation essentielle de notre nature.
La génétique ne cesse de le décrypter : nous ne représentons tous ensemble avec nos différences qu’une seule espèce. Il reste en nous beaucoup de parts de l’être primitif qui peine à devenir, comme Abel, paisible agriculteur et surtout plus récemment urbain grégaire. Les différences, aussi perceptibles soient-elles, ne sont que des variations sur un thème. Nous ne composons qu’une seule espèce et le racisme, cette peur de l’autre, qui n’est pourtant pas si différent de nous, n’a aucune raison d’être. Génétiquement, tout en étant fort diversifiés culturellement, nous sommes presque homogènes. C’est par la diversité culturelle que l’adaptabilité et la survie de notre espèce seront assurées. Cette diversité est notre principal atout pour l’avenir.

La science-fiction explore parfois les difficultés d’adaptation que subirait l’homme des cavernes s’il pouvait être transporté dans notre monde. Les auteurs de science-fiction n’ont pas su voir que les difficultés de cet être transplanté dans notre monde demeurent actuelles. Tous les bébés qui naissent aujourd’hui portent le même code génétique que nos ancêtres les plus éloignés. Ce n’est que la culture que nous avons accumulée et dont nos enfants actuels sont les héritiers qui contribue avec plus ou moins de succès à en faire des hommes et des femmes modernes.

À la fois espérance et affirmation, Être, surtout humain, est un état à l’origine de tous les espoirs. Rien n’a de sens si nous ne sommes pas en premier lieu humain. Être cultivé ne veut pas dire avoir de la culture. L’enculturation survient à chaque fois que le petit du chasseur-cueilleur que nous avons déposé dans le berceau comme Moïse sur les eaux en ressort humanisé. C’est alors que le verbe d’état et d’action prend tout son sens. Être cultivé, c’est la capacité de trouver sa voie dans la cité des hommes.

En mentionnant ses enfants et en ajoutant : « ... they will not be judged by the colour of their skin but by the content of their caracter » Martin Luther King savait très bien que nous ne trouvons pas l’humanité dans la chair et l’os, ni même dans la couleur de la peau.
Notre identité n’est complète que par l’existence d’un double de nature psychique auquel nous sommes attaché au moins autant, sinon plus qu’à notre vie. En nous, il serait nous et n’aurait de sens que dans un monde composé d’humains.
Nous devons dorénavant prendre conscience de ce que pressentent depuis longtemps les artistes et devraient mieux comprendre les politiciens : nous ne sommes plus des primates soumis aux aléas d’un monde ne conduisant qu’à la mort. Nous ne devrions plus être prêts à bondir toutes griffes dehors comme si, encore de nos jours, nous devions être prêts à manger la proie ou être mangé par la proie. Nous ne vivons plus dans des grottes glaciales.

Même si dans cet univers cruel nous devons notre survie à des muscles puissants, des réflexes percutants, des pulsions de prédateur et à l’instinct primordial de la compétition, nous sommes entre nous. Même au fond des campagnes. Toute la planète est devenue une seule et immense cité.

Nous ne pouvons plus nous contenter de faire les choses comme le chasseur-cueilleur de nos origines. Que nous reste-t-il à vaincre? Le modèle économique instinctivement pratiqué par le prédateur ne convient plus.

L’art étant plus gratuit qu’opportuniste il est aisé de comprendre les réticences des parents et des sociétés devant l’engagement artistique de leurs enfants. Pourtant la société ne saurait s’en passer puisque c’est l’art qui nous ouvre les portes psychiques. La fonction imaginaire est centrale à tout ce que nous sommes. C’est la vraie nature de l’humanité.

Depuis Abel et surtout Daniel qui, étant devenu aussi humain qu’il soit possible, ne pouvait plus être atteint par l’animal, fût-il un lion, nous rêvons tous de cet homme sachant vivre parmi les hommes, aux qualités humaines plus angéliques que génétiques. Nous prêtons aisément ces qualités à nos meneurs (leaders) de tous types et ne cessons d’être déçus lorsque nous constatons leurs failles. Nous portons tous en nous l’image de cet homme qui a su se trouver un frère au plus haut du Golgotha, le sommet ultime du crâne.

Comme vous tous, j’ai assisté, ébahi, à l’ascension de ce personnage plus mythique que noir ayant pour nom Barack Hussein Obama. Un personnage qui n’est pas tout à fait Kényan, Hawaïen, noir, blanc, ou même américain, mais fils d’un monde dans lequel malgré nos manques, peut-être même grâce à nos doutes, nous étions tous avec nos infirmités et nos maladies, fils et filles d’humains, vivant plus que jamais parmi des humains.

À travers toutes les identités s’offrant à lui, Barack Obama témoigne d’une  identité qui les englobe toutes comme seule la nature psychique de l’humain le permet. La seule par laquelle il est possible de vivre une vie faite de corps et d’âme comme s’il y  avait deux natures et même plus en une seule.

Il ne serait pas tout à fait démocrate, pas tout à fait républicain, pas tout à fait noir, pas tout à fait blanc. Il conçoit même qu’il y ait des gays et des athées. Il accepte d’être une partie de tous en s’inspirant du « We the people » énoncé un peu prématurément ou en osant dire « We are one », qui n’est possible que par l’esprit. Comme Washington il semble détenir ce pouvoir de transformation que nous devrions tous détenir en puisant dans ce que notre culture nous offre de meilleur.

Certains y voient l’homme de la situation. Personnellement, je vois plutôt un concours de circonstances qui ont rendu sa révélation possible. Il représente le type de citoyen que l’Occident formerait si notre civilisation fonctionnait et n’était pas entre les mains de l’ombrageux chasseur-cueilleur. Heureusement résiliente, cette part de notre nature persiste à nous laisser des écrits, des musiques et des œuvres d’art par lesquelles, c’est là le secret, nous devenons humains par en dedans.

Je ne peux voir en Barack Obama une nouvelle sorte d’homme pour une société plus moderne. Nous ne sommes pas, si ce n’est par notre culture, plus évolués. Il est plutôt ce genre d’homme qui arrive tout de même à naître, vivre et croître malgré l’échec de nos sociétés timorées à l’éduquer. Malgré les conditions insensées que nous avons perpétuées dans notre monde et qui ne cessent d’inscrire nos angoisses dans nos structures sociales, politiques et commerciales, il est parvenu contre toute attente à trouver la place qui devait être la sienne. De là l’éblouissant espoir qu’il suscite en la majorité et le dégoût qu’il inspire aux quelques-uns qui refusent d’être confrontés à leur humanité.
Les Centaures fougueux que nous sommes serions devenus suffisamment humanisés pour accepter d’entendre battre notre cœur à l’unisson du cœur d’un homme prêt à vivre dans un univers qui ne soit ni une jungle, ni un désert, ni une toundra, mais un monde humain. Depuis le temps que nous en rêvons, il est réjouissant qu’il accède finalement au pinacle du pouvoir.

Que ce fils d’humain sachant parler d’humanité soit là, c’est cela, beaucoup plus que ses qualités, qu’elles soient réelles ou imaginaires, qui est réjouissant et source d’espoir.

4 mars 2009

Certains persistent à dire que les québécois sont des incapables

Hurler avec les loups

Un lieu commun, s’il en est, veut que nous vivions tous dans un pays imaginaire. Ne dit-on pas par exemple qu’on peut sortir un Madelinot des îles, mais que nous ne pouvons pas sortir les îles d’un Madelinot.

Certains Québécois vivent au Québec. Quelques-uns vivent plutôt au Canada au Québec. Ils tentent de nous en convaincre en écrivant à tort et à travers. Pourtant, aussi fidèles  sémaphores soient-ils, leurs écrits se font dans une langue que la majorité de leurs compatriotes, vivant dans leur pays imaginaire, ne peuvent lire. Pour eux, le Québec n’existe pas. Ou si peu. Du moins, pas plus que certains élèves à l’école.

Comme les Québécois, certains élèves à l’école se font dire qu’ils ne feront jamais partie des grands. Sans cesse, ils se font répéter par ceux qui croient être du bord des gagnants que ce ne sont que des « loosers ».

                Quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils décident, tout n’est que prétexte à quolibets assassins.

                Malheureusement, il n’y a que le citoyen qui puisse se pendre au bout d’une corde. Une nation ne peut que pendouiller pour montrer qu’elle a droit à la vie et souffre de ne pouvoir vivre sans être le jeu du pouvoir des autres. De ces autres auxquels justement la jouissance du pouvoir ne cesse de montrer leur bon droit. Plastronnés de médailles de toutes sortes, ils sont trop fiers de leurs succès sur tous les champs de bataille du monde pour se voir tortionnaires.

                Même à l’école, il y a peu de tortionnaires du poing asséné ou du croc en jambe. La plupart des tortionnaires le sont par les mots et, ce qui est pire encore, les insinuations.

                Non seulement certains vivent dans un pays imaginaire, ils vivent également dans un monde de valeurs imaginaires et s’ils se voyaient dans un miroir comme les « rejects » les voient, comme ils les subissent, ils ne le croiraient même pas.

                Lorsqu’il leur arrive de le découvrir, à leur plus grande surprise et celle des voisins, ce n’est que lorsque le drame arrive ou lorsque, devenu grand, le petit se révèle contre toutes attentes aussi fort qu’eux.

                Tout ce temps, des vies se perdent, beaucoup de rêves sont brisés et ne servent qu’à rassurer ceux qui se croient les plus forts.

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21 février 2009

Du lait et autres sujets

En ville, il est parfois amusant de demander  aux élèves du primaire d’où vient le lait et entendre quelques élèves répondre le plus sérieusement du monde que le lait vient du dépanneur.

Les économistes, financiers et investisseurs de tout acabit  qui croient que l’économie sert à faire de l’argent sauraient-ils d’où vient le lait ?

Ne disent-ils pas que le temps des autres qu’on ne peut tenir dans ses mains est de l’argent en évitant de dire que 100 salariés qui eux, contrairement au temps sont réels, doivent  recevoir huit dollars de l’heure en échange de leur vie au lieu de dix afin qu’ils génèrent deux cent dollars de l’heure de profit. Pour quelle autre raison fallait-il déplacer nos usines en Chine?

Combien d’investisseurs croient que l’industrie automobile n’est là que pour leur permettre de se payer une deuxième Mercedes ou une résidence secondaire loin de la pollution urbaine?

Combien de banquiers croient que le système bancaire n’est destiné qu’à se payer des émoluments pharaoniques?

Les bourses ne répondent pas aux efforts de reprise des gouvernements tout simplement parce que les économistes, financiers et investisseurs découvrent sans comprendre que l’économie ne sert pas qu’à faire de l’argent?

Nous savons tous que le lait ne vient pas du dépanneur.

Nous savons aussi que l’argent vient de la cupidité.

5 décembre 2008

Socialisation électoralithique

Qu’y a-t-il eu de déterminant lors des dernières élections fédérales hormis le ridicule de Stéphane Dion ? Qu’y a-t-il de plus déterminant actuellement que le ridicule de la vidéo de Stéphane Dion?

     Au Québec ce matin, samedi 06 décembre 2008, le journal La Presse présentait en première page les chiffres des intentions de vote des Québécois. Il me semble que si nous placions côte à côte un portrait du statut social des candidats, nous retrouverions probablement la même courbe statistique.

     Que dit-on de Jean Charest et de Pauline Marois? Pourtant, uniquement les sommes qu’Ottawa doit verser à Jean Charest en pension en font un homme plusieurs fois millionnaire. Comment se fait-il qu’il ne soit pas, comme madame Marois, jugé arriviste? Mario Dumont est comme Jean Charest, devenu très jeune député et mieux encore chef de parti politique. Pourtant, il est loin de pouvoir jouir de ses galons.  Quel est le statut d’une femme à la tête du parti Québécois? Est-il très éloigné de celui d’André Boisclair dont nous connaissions tous l’orientation sexuelle? Plus les efforts de Mario Dumont sont prononcés pour répondre aux attentes populaires, plus il fait, disons peuple, et plus les intentions de vote pour son parti baissent.            

    Alors, sans en faire une étude formelle ou une thèse de doctorat ou même aligner les paragraphes, toujours selon les principes d’Occam, je pose la question : se pourrait-il qu’après que tout a été dit, les élections se limitent à l’approbation du statut social des candidats?

     Les paléoanthropologues nous disent que la capacité cérébrale des primates se limite - ou est aussi grande, c’est selon l’optique - à ce qui est nécessaire pour former un groupe fonctionnel d’individus. Nos capacités cérébrales, même si nous en faisons autre chose, ne serviraient naturellement qu’à la socialisation.

     Les Bonobos, qui nous ressemblent encore plus que le Chimpanzé, possèdent une capacité cérébrale leur permettant de former des liens conséquents avec vingt à trente individus.

     L’être humain aurait une capacité cérébrale lui permettant de former des  liens avec deux cent à trois cent individus. Un plus grand nombre ne serait qu’extrapolation des capacités.

    Certaines études en génétique semblent démontrer que la longévité humaine serait étroitement associée au statut social. Les études démontrent qu’à statut économique égal, les détenteurs de prix Nobel vivent deux à trois ans plus longtemps que les détenteurs d’un Oscar. Bref, surtout en période de crise, ce qui compte le plus pour les individus et les groupes humains serait le statut social.

     Je répète donc la question : se pourrait-il qu’après que tout a été dit, les élections se limitent à l’approbation du statut social des candidats?

        Le statut social étant l'ensemble des capacités d'un citoyen à maîtriser la réalité que nous recherchons tous. Un état se traduisant également en «leadership», en charisme et en réussite sociale qui peut être distribuée, qu'on peut par procuration emprunter. Le gibier que le chasseur-cueilleur nous offre.

        Contredisant toutes nos prétentions à l’intelligence et à la raison, je trouve très difficile de souscrire à cette thèse. Pourtant, nous savons tous que l’organe cérébral que nous portons ne sert pas à faire de nous des êtres intelligents ou raisonnables, mais à faire de nous des organismes vivants qui ont à survivre et surtout à se reproduire dans un environnement incertain.

2 décembre 2008

Le pyromane à Ottawa

Les nombreuses, prolifiques et foisonnantes études de Steven Pinker, chercheur américain sur le langage humain au MIT, se résument malgré les apparences à un concept très simple : l’esprit humain peut prêter des significations très nombreuses aux mots, souvent contradictoires, mais jamais n’importe comment.

C’est le n’importe quoi qui peut tromper, pas le n’importe comment.

Pour cela, savoir parler vient avec le sens du langage à telle enseigne que nous confondons fréquemment la personne avec son langage.

J’enseigne au secondaire en adaptation scolaire. Tous les jours, je suis confronté à ce phénomène d’arguments fallacieux exprimés correctement. J’écris fallacieux parce que c’est ce qui semble se produire. Heureusement, c’est rarement le cas. La plupart du temps, nous n’assistons à la manifestation d’aucune mauvaise volonté. En adaptation scolaire, nous sommes confrontés à des élèves qui, malgré tous leurs efforts et un usage correct de l’articulation verbale, n’arrivent pas à sortir de leur zone constituée essentiellement de leurs besoins particuliers circonscrits étroitement dans l’immédiateté.

     Steven Pinker ne cesse de le découvrir: pour avoir du sens, les mots ne peuvent s’associer n’importe comment dans l’esprit. N’est-on pas réputé avoir tout appris, tout savoir lorsque nous avons appris à parler?

     Nous avons en politique également des individus sur la tête de laquelle nous devrions placer le bonnet d’âne ou même tout simplement, dans leur cas, les inviter à retourner chez eux.

     En page A25 de La Presse de vendredi le 28 novembre dernier, Alain Dubuc écrivait que la réserve journalistique lui interdisait de poser un jugement trop sévère sur le gouvernement de Stephen Harper.

     Une attitude on ne peut plus louable de la part d’un citoyen à la fois cultivé et particulièrement bien éduqué. Cette nécessité de s’imposer des limites lorsque nous tentons de comprendre certains personnages publics est également une des vulnérabilités des sociétés raffinées et démocratiques comme la nôtre.

     Il y a quelque temps de cela, un scientifique anglais a tenté une expérience à la fois toute simple et grandement significative. Il a imaginé quelques expériences scientifiques pas trop complexes sur des phénomènes de la physique et les a présentées à des enfants de huit et neuf ans ainsi qu’à des étudiants universitaires et même à des ingénieurs.

     Les enfants ont eu beaucoup plus de facilité à trouver des explications simples aux phénomènes qui leur ont été présentés que les universitaires ou les ingénieurs. Les ingénieurs ont même affirmé que certaines expériences étaient impossibles.

     La conclusion de l’expérience n’était pas que les enfants sont plus brillants que les adultes. L’expérience démontrait simplement que les adultes avaient appris à penser en suivant des schémas et des raisonnements prédéterminés. Tout le contraire des enfants qui voyaient l’expérience telle qu’elle se présentait à eux.

     Confronté à des situations extrêmes, nous ne pouvons pas toujours répondre aux interrogations du réel en ne faisant usage que de notre savoir-vivre et de notre délicatesse intellectuelle. Nous devons parfois accepter de bousculer notre respect du notable et du voisin, nous devons oser penser l’impensable. Notre myopie imposée par nos valeurs morales ne peut en ces cas-là que conduire à la catastrophe.

L’expérience du rasoir d’occam nous dit que lorsque nous ne comprenons rien en multipliant les explications, nous devons chercher la plus simple.

En page 5, le mardi 21 octobre 2008, La Presse publiait un article sur le colloque de l’AMF portant le titre « Dans le cerveau des méchants » dans lequel le professeur Robert Hare déclarait que « Contrairement aux clichés, le dénominateur commun des psychopathes n’est pas la violence…, c’est l’insensibilité, l’incapacité de ressentir de l’empathie pour autrui et de former des liens émotifs et l’absence de remords. »

     L’usage des mots le permettant, il arrive, hélas, qu’un pyromane devienne chef des pompiers et ce n’est pas parce qu’il est difficile de le contredire lorsqu’il nous dit qu’il est chef des pompiers que nous ne devons pas tout faire pour qu’il cesse ses activités.

     Le philosophe américain John Dewey a déjà écrit que : «…Lorsque les conséquences d'une activité conjointe sont jugées bonnes par toutes les personnes singulières qui y prennent part, et lorsque la réalisation du bien est telle qu'elle provoque un désir et un effort énergiques pour le conserver uniquement parce qu'il s'agit d'un bien partagé par tous, alors il y a une communauté. La conscience claire de la vie commune, dans toutes ses implications, constitue l'idée de la démocratie. »

Même profondément souverainiste, même si je désire de toute mon âme sortir de ce pays étranger, devenu bizarre, je ne souhaite que son existence sans le Québec, je ne souhaite pas sa destruction. Nous ne pouvons rester les bras croisés en regardant notre voisin brûler. Nous ne pouvons hésiter à aider la démocratie canadienne qui doit démontrer son équilibre et sa maturité, sa résilience et son courage, elle doit se réinventer en osant le gouvernement de coalition.

Au cœur de tout ce brouhaha, la campagne électorale québécoise se poursuit et un autre pyromane se faufile pour devenir chef des pompiers.

En économie, j’ai parfois lu qu’il y avait la micro et la macro-économie. La micro-économie étant celle de Pierre, Jean, Jacques et la macro-économie celle des sociétés. La catastrophe actuelle nous vient directement de ces gestionnaires qui se sont servis à tour de bras de la macro-économie essentiellement pour servir leurs micro-besoins.

Une attitude qui ne se limite pas aux chevaliers d’industrie.

Comme par exemple de se servir d’une province pour satisfaire ses ambitions personnelles.

Allons-nous mettre notre sort entre les mains d’un homme qui ne cesse de dire n’importe quoi avec les mots, puisque les mots le permettent, même s’il semble ne pas le faire n’importe comment puisque cela, les mots ne le permettent pas?

Tout simplement parce que même s’il s’y essayait, il ne pourrait paraître insensé.

Ne rêve-t-il pas d’un Québec… canadien? 

27 novembre 2008

L'homme ne vit pas que de pain

Je me souviens du bon frère Gingras des Écoles Chrétiennes. Il a été durant de longues années responsable de l’Amicale Meilleur à l’école Jean-Baptiste Meilleur sur la rue Fullum à Montréal que je fréquentais au milieu des années soixante. J’ai plus d’une fois entendu le frère Gingras affirmer que l’homme ne vit pas que de pain.

Jean Charest semble ignorer cette part de notre nature. Il nous a, sans égard à notre malaise, projeté dans une campagne électorale. Nous ne serions pour lui que des outres goulues? Ne serait-il qu’opportuniste en croyant que nous ne sommes faits que de peurs ou cynique en proposant que notre nature de citoyen se réduit à la faim?

Depuis que la crise économique a atteint des proportions titanesques, je ne peux entendre les journalistes parler de l’économie réelle sans frémir.

Même sonné, je ne peux éviter de me demander comment il est possible de distinguer la vraie économie de l’autre. Parle-t-on de réel ou d’imaginaire? L’économie produisant des milliardaires serait virtuelle?

Au milieu des années quatre-vingt, Brian Mulroney nous a annoncé qu’à compter de cette décennie, la plus grande part des revenus des Canadiens provenaient plus des placements que des salaires. Nous étions entrés dans une nouvelle zone économique dont nous connaissons maintenant les résultats.

Tous les jours, il nous est montré à la télévision des cambistes obnubilés devant des écrans montrant les courbes échancrées de croissance ou de décroissance des titres. Je n’y vois qu’autant d’électrocardiogrammes ou d’adolescents devant leurs jeux vidéo.

Il n’y a là de réel que les voitures luxueuses telles Mercedes ou BMW qu’ils abritent dans des garages immaculés et que ne peuvent se payer, même en travaillant d’arrache-pied, la très grande majorité des autres citoyens.

Ce n’est pas par un dimanche après-midi ensoleillé, seul sur une autoroute large au bitume sec avec une bonne voiture en mains que nous pouvons constater si nous sommes bon conducteur. Ni même sur le circuit Gilles Villeneuve après des milliers de pratiques dans un environnement contrôlé ou au volant d’un gros autobus immobile. 

Nous découvrons si nous sommes bon conducteur doté de bons réflexes lors d’une urgence extrême sur une petite route encombrée à l’heure de pointe exposée au vent et au verglas.

Nous constatons actuellement que les meneurs « leaders » de l’économie ne sont que de piètres conducteurs au volant d’un très mauvais véhicule.

Il serait plus que temps d’exiger qu’ils arrêtent de conduire dans le champ et s’astreignent en plus à obtenir un permis.

Harper et Charest voudraient que nous leur fassions confiance aveuglément. Ils viennent de prouver qu’ils ne savaient finalement que profiter des bonnes occasions. Monsieur Charest improvise-t-il aussi mal que ces hommes avec lesquels il est solidaire?

Nous disons parfois qu’un arbre est jugé à ses fruits. Compte tenu des raisons pour lesquelles notre premier ministre a déclenché des élections, compte tenu des habiletés que démontrent actuellement les spécialistes de l’économie virtuelle face à laquelle ils semblent des joueurs compulsifs, je comprends très bien que monsieur Charest refuse que l’état mette son nez dans les livres de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il se connaît et sait de quelles maladresses il est capable.

N’a-t-il pas refusé que le Montréal de l’ouest anglais soit fusionné avec le Montréal est français alors qu’il met de l’avant la construction d’un train rapide reliant ou plutôt liant économiquement Québec à Windsor?

N’a-t-il pas fait capoter le projet de construction du CHUM pour satisfaire des caprices que nous ne comprenons toujours pas?

Depuis l’annonce de la mondialisation, depuis Reagan et Thatcher, nous souffrons des abus du capitalisme sauvage, de l’économie d’improvisation. La porte est ouverte pour que les états démocratiques reprennent leur ascendant sur l’économie pour le bien du plus grand nombre. Ce n’est plus le temps, comme Stephen Harper et Jean Charest le prétendent, de laisser le champ libre aux cambistes et laisser carte blanche à quelques milliardaires de l’économie virtuelle. Le vrai monde, la vraie réalité, l’économie réelle, puisque le terme semble approprié, ont besoin d’intelligence, pas d’un électrocardiogramme sur un écran plat à deux dimensions.

Durant la récente campagne électorale américaine, John Mc Cain défendait de toute sa foi les vertus de l’économie dégoulinante « trickle down economy ». Pour faire image, cette économie ressemble à une pyramide composée de coupes de cristal au sommet de laquelle vous versez du champagne. Lorsque les coupes se gorgent de champagne, il y en a toujours qui déborde et se retrouve dans les écuelles de la classe moyenne qui attend en bas que les débordements se rendent jusqu’à elle.

Comment peut-on qualifier un tel système d’économique? L’économie n’est-elle pas censée mesurer et équilibrer les échanges entre tous les humains, favorisant la survie de tous les individus qui, quel que soit leur âge, composent une société?

Jean Charest promet d’exempter de la taxe de vente quelques segments de l’activité culturelle.

Je prétends que la production culturelle est au moins aussi importante que la production agricole. Alors que la première nourrit le corps, l’art, puisque nous ne vivons pas que de pain, ce producteur de culture, nourrit le cœur et l’âme. Ce cœur et cette âme font de nous ce que nous sommes.

Où est le 1% minimal du budget qui devrait être dédié à la production artistique au lieu des miettes dont il propose de se priver sans avoir à les investir?

Où seraient pour les arts visuels les rabais d’impôt dont pourraient bénéficier les acheteurs qui, pour certains, n’attendent qu’un minimum d’encouragement gouvernemental?

L’école publique souffre depuis très longtemps d’un manque chronique de ressources. Le montant des subventions gouvernementales par élève étant moins élevé au privé qu’au public, il semble que le gouvernement économise en favorisant comme il le fait l’école privée.  De plus les écoles privées étant tout de même subventionnées, elles représentent une économie pour l’élite qui y envoie ses enfants.

Il n’y a que l’éthique démocratique qui puisse mettre de l’ordre dans tout ça. Où est-elle? Je ne l’entends pas s’exprimer.

Stephen Harper proposait de nous étendre vers le Nord canadien, Jean Charest propose de développer le Nord québécois. Combien de Schefferville propose-t-il? Qui a besoin de nos bras pour exploiter le Nord québécois?

Stephen Harper suggérait que nous prenions des forces en lui donnant le pouvoir sans partage. Impertinent, Jean Charest nous demande de voter pour un gouvernement libéral fort. Les similitudes sont-elles un hasard?

Nous avons tous connu le jeune Jean Charest qui rêvait plus que tout de devenir premier ministre du Canada. Il doit maintenant se contenter du Québec, mais a-t-il cessé de rêver de devenir « a great Canadian », d’accrocher sa photo près des autres?

Je terminais l’écriture de ce texte lorsque nous avons tous assisté au débat des chefs à la télévision. Ai-je entendu Mario Dumont reprocher à Jean Charest de ne rien entendre et de s’opposer aux deux chefs de partis représentant la majorité des Québécois assis devant lui? Dans un débat Jean Charest donne l’impression de détester tout ce qui au Québec n’est pas canadien.

Ce que pour ma part j’ai trouvé curieux est qu’il prend pour lui le projet qu’il ne peut accomplir en aucune manière, porté depuis très longtemps par les souverainistes québécois, de travailler à la stature du Québec dans le monde plutôt qu’à son statut dans le Canada.

Comme en économie il y a en lui deux mondes. Le premier fait de paroles et de promesses virtuelles et un deuxième réel qu’on ne doit surtout pas voir pour ce qu’il est.

Tout cela étant dit, nous avons finalement à choisir entre un Canadien mécontent ou une grande Québécoise comme première ministre du Québec?

      

11 novembre 2008

Nos voisins, nos frères ennemis

Toutes les sociétés menacées logent en leur sein des citoyens croyant qu’il est préférable de s’assimiler au plus puissant ou aux plus nombreux plutôt que de s’affirmer envers et contre tous.

J’hésite beaucoup à croire que certains de mes voisins soient de ceux-là.

Dans son essai intitulé « DU CANADA AU QUÉBEC (généalogie d’une histoire) » publié aux éditions de l’Hexagone  en 1987, Heinz Weinman écrit en page 169 que « ce qui est difficile… c’est de garder l’Autre… à distance… parce qu’il a partie liée avec moi ».

Au temps de Champlain, deux serruriers cohabitaient en nos murs. Il y avait le mauvais serrurier qui ouvrait les portes pour l’autre et le bon serrurier qui, s’éveillant enfin, les a fermées pour nous. Dès les premières heures de notre existence, nous avons eu à combattre les doutes distillés par ceux qui ne savent pas à quel saint vouer leur âme. Certains devenus autochtones ont rejeté nos coutumes. D’autres, surtout anglais, ont rejeté notre nécessité.

À l’automne, les feuilles tombent des arbres, les masques de l’Halloween aussi. Le froid hivernal surgira bientôt. Nous sommes encore une fois soumis au tsunami électoral.

Durant la récente campagne électorale fédérale, il a été demandé à Pierre-Marc Johnson si la démocratie était menacée par la faible participation des citoyens à l’exercice électoral. Il a répondu que la démocratie ne se limitait pas aux instances politiques.  Nous jouissons de la liberté d’association, de la liberté d’expression et surtout du quatrième pouvoir représenté par les journalistes. Un pouvoir parfois incertain qu’il me semble devoir être manœuvré avec beaucoup plus de soins.

La campagne électorale provinciale n’était pas annoncée que les éditorialistes « Spin doctors » fédéralistes de La Presse s’activaient déjà.  Tous les matins, la curiosité me pousse à lire La Presse de papier et Le Devoir électronique. Que ce soit dans les pages de La Presse ou du Devoir, je lis parfois avec ravissement des plumes admirablement fluides. Pour ce qui est de La Presse, elle est trop souvent, je trouve cela désolant, noircie de colloïde carboné.  Cela salit les doigts et bien d’autres choses. Surtout la confiance en une forme de journalisme étriqué.

Les pages éditoriales de La Presse persistent à me décevoir. Le 22 octobre, en page A31, monsieur Alain Dubuc, en bon frère ennemi, toujours égal à lui-même, parlait de déni souverainiste tout en nous révélant que depuis longtemps il souhaite l’implosion de ce mouvement. Son souhait venant d’un journaliste n’est-il pas abus de pouvoir?

Le 26 octobre, en page A23 il revient à la charge en utilisant le déficit démocratique de nos institutions politiques, comme je l’ai déjà fait remarquer dans un texte antérieur pour le Canada, et s’en sert pour diminuer l’importance du Bloc québécois. En page A26 du 28 octobre, son copain de chambre André Pratte, soutenait que s’opposer aux désirs de Jean Charest ne reviendrait pour le parti Québécois qu’à laisser dépasser un jupon partisan.

Le 30 octobre, pour Lysiane Gagnon, leur copine du dortoir voisin, le cafouillage du CHUM est prétexte à donner au PLQ les moyens de s’enfoncer encore plus dans les décisions partisanes comme celle qui a balkanisé Montréal et fait du CHUM une sorte d’OVNI à la recherche d’un terrain d’atterrissage, qui, cela est curieux, aurait atterri le même jour que monsieur Charest annonce la tenue d’élections anticipées (?). Le 31 octobre André Pratte abuse de la crise économique appréhendée pour critiquer le PQ et en faire des alarmistes. Cela n’a pas empêché monsieur Charest, sous prétexte d’affronter cette même crise supposée inexistante, de s’élancer dans l’aventure électorale. Le 31 octobre, André Pratte nous revient avec son Québec affaibli. Le 04 novembre, madame Gagnon réédite ses médisances en faisant l’éloge du pacte québécois destiné aux immigrants en écorchant le Parti Québécois au passage.

Je comprends très bien que le seigneur de Sagard soit un épigone de l’élite financière qui a construit le chemin de fer canadien pour s’assurer un marché, si ce n’est populeux, au moins très étendu. Cela, leur assurait la main mise sur des ressources naturelles incommensurables. Cela est dit sans souscrire aux thèses de complot. La nature humaine étant confrontée aux mêmes perspectives met en jeu les mêmes réactions. Où que ce soit, nous sommes toujours confrontés à l’appât du gain. Les Canadiens ne cessent de se féliciter du petit nombre de nos institutions financières en se disant que cela nous protège du chaos économique à l’américaine. En contrepartie, elles ne sont qu’une poignée à pouvoir tout contrôler à loisir. Se trouve-t-il par conséquent beaucoup de Québécois pour croire que l’élite financière canadienne veut nous garder au Canada parce qu’elle nous aime ou a besoin du produit de nos impôts? En reste-t-il qui n’ont jamais entendu parler de Péréquation? En reste-t-il qui ne comprennent pas que les aspirateurs de cigares ne veulent en fin de compte que garder la main sur le Québec de Google earth.

Il est tout à l’honneur, un accomplissement extraordinaire qu’un de nos frères, né ailleurs et, nous étant malheureusement devenu étranger, ait réussi à faire un Randolph Hearst de lui-même. Nous ne devons pas pour cela accepter les négations de monsieur Alain Dubuc, éditeur à La Presse, qui se moquait il y a peu de temps des associations que les Québécois pouvaient faire du seigneur de Sagard avec Sarko l’excité. Je ne comprends pas non plus que nous nous intéressions à ce que peut dire un certain monsieur Sarkozy qui a semblé en beaucoup d’occasions mêler allègrement le privé et le public. Je ne vois pas pourquoi les cousins et les amis, comme à l’époque des communes des années 60, devraient continuer de vivre sous le même toit? Les colocataires, c’est connu, finissent toujours par s’installer chez eux. Il est temps que Tanguy, puisque c’est ainsi que nous perçoivent les Canadiens, quitte le foyer d’accueil au sein duquel en tant qu’orphelin on l’a obligé à vivre et s’installe chez lui.

Alors que monsieur Dubuc se moquait de nous. Lundi 20 octobre au frontispice du Devoir, Michel David écrivait qu’« il y a longtemps que Paul Desmarais l’a (Sarkozy) convaincu que le projet souverainiste est dépassé »

Ce que je comprends beaucoup moins bien, c’est l’acharnement de ces hérauts du fédéralisme qui se prétendent journalistes. Tous les matins, je tente de terminer mon déjeuner à la fois informé et repu. Fréquemment souillé de leur carbone, en seront-ils fiers, je le termine exaspéré.

Plus d’une fois, nous avons entendu et lu leurs doutes sur la pertinence du Bloc. Cela n’est pas à mon sens du journalisme de douter de la pertinence d’un parti politique quel qu’il soit. Cela n’est au mieux que jugement de valeur et au pire de la simple propagande. Les journalistes ne servent-ils qu’à mesurer le pouvoir de domination ou même d’attraction de l’électorat d’un parti? J’en serais très surpris. Nous avons vu passer, ne l’oublions pas, les rhino, les socialistes, le bloc pot, etc.

C’est à la démocratie de décider du sort d’une option politique ou l’autre, pas au quatrième pouvoir.

Ces éditorialistes à la pensée unique qui se font les chantres d’une option politique au détriment de toutes les autres me poussent à l’affirmation. Je me questionne sur leur opposition incessante. Au nom de quelles valeurs persistent-ils à souhaiter notre échec? Qu’y a-t-il de plus structurant à partir d’une langue qu’une culture nationale? Un lieu qui soit nôtre. Le territoire de toutes les libertés? Même Rome, malgré son eugénisme séculaire, a appris à nous respecter.

N’en déplaise à monsieur Dubuc qui ne cesse de décortiquer l’allégeance politique à la loupe afin d’y déceler une baisse de l’intérêt souverainiste. À souhaiter qu’à Québec nous ne votions que libéral ou à Ottawa, fédéral; erre. Ses associés n’ont rien à nous offrir que nous ne sachions pas déjà nous procurer. Ils n’ont qu’un marché de dupes à nous offrir. Puisqu’elle ne peut être donnée, ils ne peuvent pas nous accorder la liberté. Ils ne peuvent pas nous rendre plus forts en nous diluant dans leur nombre. Cela n’a aucun sens. Que veulent-ils d’autre, nous passer un sapin?

Nous devrions tous les inscrire sur la liste des solliciteurs indus. Lorsque les télévendeurs téléphonent, nous leur expliquons parfois que nous n’avons pas besoin de leurs services puisque nous sommes suffisamment informés pour trouver ce dont nous pourrions avoir besoin sans eux.

Je ne peux penser à eux sans que me vienne à l’esprit le monologue intitulé « Les unions qu’ossa donne? » d’Yvon Deschamps et les imagine joyeux,  vêtus d’un chandail des Sénateurs d’Ottawa à tondre les prés devant l’imposant manoir près du petit Saguenay.

Tout jeune enfant, infirme et de santé fragile, j’ai souffert d’innombrables maladies qui étaient soignées à l’hôpital unilingue anglais Royal Victoria. À la fin des années soixante, je travaillais dans la « guenille » au « Belgo building ». Le Belgo, situé au 372 Sainte-Catherine Ouest, abrite maintenant sur ses cinq étages plusieurs galeries d’art contemporain. J’y travaillais en anglais dans les bureaux et en français dans l’atelier de coupe. La métamorphose du Belgo est pour moi, à plus d’un titre, emblématique de ce qui s’est passé au Québec depuis le milieu des années soixante.

Même si, à l’ouest de l’Outaouais, l’anglais reste ce qu’il a toujours été, même si je croise parfois des Québécois unilingues anglais, le Québec a péniblement réussi à se franciser. Le butoir anglais et ses coups n’étant jamais bien loin, il nous est depuis quelque temps fortement suggéré de devenir bilingues. Pour quoi faire?

En cas? En cas de quoi? Que nous soyons finalement assimilés ou parce comme l’a écrit Louise Leduc dans La Presse de lundi 27 octobre « Le Québec est une femme capricieuse pour le Canada anglais ». Parler français au Québec serait capricieux. Être Québécois au Québec serait chimérique? Parce que l’anglais serait la langue des hommes? Parce qu’il faut parler anglais pour être respecté au Canada? Pour parler au plombier, acheter du lait à l’épicerie, demander une augmentation à mon patron, parler avec mes amis, ma compagne, mes enfants, mon médecin, pour les quelques semaines que nous passons sur les plages de Floride au cours d’une vie. Sûrement pas pour visiter l’Italie, ou l’Espagne, même le Mexique, pourquoi pas le Chinois tant qu’à y être. Cela doit être extraordinaire de passer trois heures sur la muraille de Chine en badinant mandarin avec son guide.

Pour ma part, je ne doute pas un instant que ma langue m’ait fait. Je suis devenu la langue que je parle. Elle est les yeux qui me permettent de voir le monde. Si ma langue avait été autre, le monde aurait été différent pour moi, je serais, je n’en doute pas un seul instant, différent. Je ne serais tout simplement pas né si mon père et ma mère ne s’étaient pas unis tels qu’ils étaient au bon moment. Nos détracteurs ne sont ce qu’ils sont que parce ce que nous sommes ce que nous sommes.

Ce que je suis, qui ne peut être différent, mon identité et ma voix sont, les attributs d’un citoyen ordinaire. Je ne suis pas, en mon identité nationale, le salarié de qui que ce soit. Durant vingt-cinq ans, j’ai travaillé à toutes sortes de métiers aux quatre coins de Montréal et même de la province, de Lebel-sur-Quévillon à Fermont. J’ai retenu, je l’espère, l’indépendance d’esprit de mes confrères et consœurs de travail. J’ai, durant cinq ans, le temps de terminer un bac et une maîtrise en enseignement, occupé les bancs de l’UQÀM. Finalement, j’enseigne les arts plastiques, que je pratique sans discontinuer depuis plus de quarante ans, au secondaire à des élèves en difficultés d’apprentissage. Je ne réponds à aucun intérêt autre que celui du cœur.

Cette liberté de faire et d’être qui est mienne, que j’ai choisie tôt dans la vie, me permet d’affirmer que la souveraineté est plus un cri du cœur qu’un mouvement.

Il y a 500 ans de cela, on entendait dire qu’un cheval on le mettait au monde et qu’un homme (une femme également) on l’éduquait.

Cela demeure vrai. Alors que nous naissons tous humains, nous naissons également ouverts à toutes sortes d’options. Cela permet l’évolution rapide des cultures et améliore les chances du génome de s’adapter à une réalité changeante. Notre identité se constitue au fur et à mesure. Finalement, elle devient aussi vraie que si nous étions nés ainsi.

La culture et l’idée de nation ont fonction structurante. Le pépin de pomme qui finalement devient pommier et non pas prunier.

Je ne suis pas souverainiste par hasard, je le suis parce que je suis souverain là où cela compte réellement. Dans les vraies affaires, dans la vraie vie dirions-nous. Je le suis parce que c’est ainsi que je suis fait, c’est ainsi que je suis devenu. C’est ma nature. Je n’ai pas choisi de devenir prunier, de toute façon cela ne serait que pour les prunes. Je suis devenu pommier parce que c’est l’arbre qui pousse le mieux en ces terres. Peut-être serais-je ailleurs devenu saule pleureur. Nous ne le saurons jamais. Cela n’a aucune importance.

Je suis souverain lorsque je parle en français, lorsque, encore mieux, j’écris en français, lorsque j’explique la signification d’un mot de notre belle langue à un élève. Je suis souverain à l’arrêt à une intersection plutôt qu’au stop. Je suis souverain avec mes parents et amis, pour mes parents et amis. Je suis comme tous mes compatriotes qui me comprennent et me respectent, que je comprends et respecte, souverain avec eux, pour eux en ces terres.

Puisque nous sommes vulnérables et sans cesse menacés, lorsque tout a été dit, c’est malheureusement ainsi que les choses humaines se font : nous devons nous affirmer comme si nous étions nés munis de crocs et de griffes plutôt que de poésie et d’âme.

Il y a quelques semaines de cela, l’acteur américain Paul Newman est décédé. Un journaliste lui avait déjà demandé pourquoi il avait été fidèle à son épouse durant de longues décennies. Il a alors expliqué qu’il n’avait pas à se contenter d’un hamburger à l’extérieur lorsqu’il avait du steak à la maison.

Pourquoi faire partie d’un ersatz de pays créé de toutes pièces par les Britanniques et d’une élite financière avide alors que nous portons déjà en notre cœur une nation qui nous ressemble? Pourquoi devrions-nous en période électorale accorder notre confiance à un homme qui ne croit pas en nous et voudrait nous livrer pieds et poings liés à ceux qui ne savent pas nous aimer?

Pourquoi rester associé à une structure politique dans laquelle nous serons éternellement minoritaires, dans laquelle quoi que nous fassions, tant que nous ne disparaîtrons pas, nous serons incongrus? Cela n’est pas sorcier. Autant un chat est un chat, autant un anglo-saxon est anglo-saxon, autant un francophone reste un héritier de Molière.

Est-ce pour cela que certains souhaitent le bilinguisme au Québec, pour nous diluer dans la masse?

Le mot liberté est mêlé à toutes les sauces. Il en est devenu éculé. Il est à examiner de près. Un enseignant du secondaire y est souvent confronté. Un mot valise qui permet tous les excès, un passeport au laxisme. Si on en examine la raison d’être, nous devons en premier lieu nous demander ce que nous sommes lorsque tout a été enlevé.

Nous sommes d’abord vivants. Pour vivre, nous devons d’abord en avoir la liberté, la liberté d’accéder aux ressources nécessaires à la survie. La liberté de se rendre jusqu’à ces ressources, la possibilité d’accéder aux ressources pertinentes. La liberté n’est pas n’importe quoi, n’importe comment.

Nous ne sommes pas que vivants. Nous sommes aussi humains. Nous ne pouvons le nier, nous naissons à la vie par le vivant ou ne naissons pas. Humains, nous le devenons par la suite, sinon nous n’aurions ni psychopathes, ni criminels. Humains nous le devenons graduellement. Comme le fœtus passe par le canal utérin pour naître à la vie et devenir un bébé, le bébé passe par la nuée langagière pour émerger à sa nature d’humain.

Souvenons-nous de Socrate. Son corps aurait pu survivre, même en anachorète au cœur du désert, mais son cœur ne pouvait continuer de battre hors de la cité qui lui donnait tout son sens.

Je me demande pourquoi je devrais accepter le rôle de Sisyphe confronté à d’éternels recommencements plutôt que de poursuivre ma croissance sans fil à la patte, sans doute et sans hésitations, la tête haute.

Surtout librement comme la vie s’y attend?

Je souhaite à tous mes compatriotes de voter pour eux, pour assurer leur liberté d’être tel qu’ils devraient devenir.

Louise Harel, notre Louise Harel du quartier Hochelaga-Maisonneuve quitte la politique. Tout un quartier en était venu à la considérer comme une amie, un membre même de la famille. Elle quitte la vie politique, mais je ne crois pas qu’elle quitte la place qu’elle a su prendre dans notre cœur.

Merci et bonne chance Madame Harel!

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